Cette IA repère les bons et mauvais vins grâce à son sens olfactif
Une intelligence artificielle a été entraînée pour distinguer les bons et mauvais vins. Elle aidera à repérer les fausses bouteilles en remontant jusqu’à leur origine. Voici comment.
Que vous en soyez vous-même consommateur ou non, vous savez que certaines bouteilles de vin valent plus cher que d’autres. Et que les millésimes les plus recherchés peuvent s’arracher à prix d’or lors de ventes aux enchères par exemple. Comme tous les marchés de ce genre, celui du vin est touché par un phénomène malheureusement répandu : la vente de fausses bouteilles. En début d’année, un réseau de trafiquants adeptes de la pratique a justement été démantelé. Il a importé l’équivalent de 4,6 millions de bouteilles d’Espagne, du vin de table bon marché, avant de les revendre en les faisant passer pour des crus français, plus chers évidemment.
Comment faire pour lutter efficacement contre ce phénomène ? En demandant de l’aide à l’intelligence artificielle bien sûr ! L’IA a déjà une langue, alors pourquoi pas un nez pour distinguer les faux vins des vrais ? Celle qu’ont mis au point les chercheurs de l’Université de Genève en Suisse se base sur la chromatographie en phase gazeuse, une analyse chimique. En général, cette technique est utilisée pour séparer et identifier les composants d’un mélange, mais pas ici.
UNE INTELLIGENCE ARTIFICIELLE EST CAPABLE DE DISTINGUER LES FAUX VINS DES VRAIS
L’IA a été entraînée sur 80 vins de 7 domaines bordelais différents dont les données ont été récupérées sur 12 ans. Le sol, le climat ou encore le processus de fabrication lui-même influencent la concentration des composants dans une bouteille. Mais plutôt que de procéder à l’analyse de chacun d’entre eux pour distinguer un vin d’un autre, l’algorithme détecte une “signature” globale. Les résultats sont affichés sur une carte en deux dimensions où les breuvages à la signature semblable sont regroupés entre eux. La première fois, les scientifiques ont été surpris de la répartition des points.
“La première chose […] qui nous a sauté aux yeux, c’est qu’il y a des grappes qui correspondent à des châteaux précis. Cela nous a tout de suite indiqué qu’il existe une signature chimique propre à chaque château, indépendamment du millésime. C’est le schéma global des concentrations de très nombreuses molécules qui distingue un château. Chacun est une symphonie : ce n’est pas une seule note qui les distingue, c’est toute la mélodie”, explique le professeur Alexandre Pouget.
L’IA DISTINGUE LES VINS SELON LEUR DOMAINE ET PEUT REMONTER JUSQU’À EUX
Plus étonnant encore, les équipes remarquent que la position de chaque amas de points correspond à celles des domaines réels. Par exemple, les vins de 3 châteaux au nord du fleuve la Dordogne sont clairement séparés de ceux de 4 châteaux à l’ouest de la Garonne. Au final, “on retrouve une carte de Bordeaux”, constate le professeur. Grâce à ses analyses, l’IA sera capable de déterminer si un vin provient bien de l’endroit indiqué sur son étiquette, permettant d’identifier facilement les fausses bouteilles. Il reste cependant à l’améliorer sur un point.
Si le programme est capable de dire que tel vin provient de tel château avec une taux de réussite de 99 %, ce dernier n’est que de 50 % quand on lui demande de distinguer des millésimes. La marge de progression est donc importante, mais en l’état, l’outil peut déjà servir à épauler les enquêteurs en charge de repérer des produits frauduleux. Alexandre Pouget voit cependant plus loin et imagine d’autres applications.
‘Nous pourrions nous en servir pour déterminer comment assembler les vins afin d’en optimiser la qualité. L’assemblage des vins est l’étape clé de l’élaboration des grands bordeaux et des grands champagnes. Jusqu’à présent, cette opération est réalisée par quelques viticulteurs qui sont payés une fortune pour leurs compétences. Avec des outils comme celui-ci, il serait beaucoup moins coûteux de réaliser de grands assemblages, ce qui profiterait à tout le monde”. Pas sûr que les viticulteurs en question voient d’un bon œil l’arrivée d’un concurrent virtuel cela dit.
Source : The Guardian